Collections patrimoniales

Le CAIJ est le gardien d’un patrimoine juridique important. Il conserve les ouvrages du CAIJ et de la pratique du droit aux 18e et 19e siècles. Le CAIJ regroupe et préserve les fonds historiques des bibliothèques des barreaux de section du Québec. 

Un patrimoine de grande valeur

Conscient de la richesse du patrimoine juridique dont il est le gardien, le CAIJ a entamé en 2020 le projet de préservation et de conservation de sa collection d’ouvrages anciens. Avec la restauration d’une sélection de livres rares et la numérisation des carnets manuscrits du juge James Reid, le CAIJ souhaite faciliter et encourager la consultation de ces ouvrages tout en assurant leur pérennité.

Une exposition virtuelle significative

Le CAIJ transporte ses visiteurs dans le passé à l’aide d’une exposition virtuelle qui permet de découvrir quelques ouvrages et moments significatifs de l’évolution du droit et de la société au Québec. Ces documents brossent le portrait de l’évolution juridique de la Nouvelle-France.

Le CAIJ remercie Donald Fyson, spécialiste de l’histoire sociojuridique du Québec au XVIIIe, XIXe et XXe siècles et professeur titulaire au Département des sciences historiques de l’Université Laval pour son expertise, ses conseils, son temps et sa contribution à l’enrichissement du projet d’exposition virtuelle qui met en valeur ses collections patrimoniales.

1703

Rituel du diocèse de Québec

Publié par l’ordre de Monseigneur l’Évêque de Québec.
Paris : Chez Simon Langlois, 1703.

L’exemplaire détenu par le CAIJ porte la signature de Pamphile Le May, le premier bibliothécaire de l’Assemblée législative du Québec, poste qu’il occupe de 1867 à 1892.

C’est en 1703 que Monseigneur Jean-Baptiste de La Croix de Chevrières de Saint-Vallier, deuxième évêque de Québec, publie cet ouvrage à l’usage des prêtres, curés et missionnaires de son diocèse. Le Rituel comprend des instructions en français sur la façon de procéder aux sacrements et de célébrer la messe. Il indique aussi, en latin, les paroles des prières et des sermons qui doivent être prononcées.

Monseigneur de Saint-Vallier publie une deuxième édition du Rituel vers 1713, mais il fait inscrire la date de 1703 et demande qu’on détruise la première édition, comme si elle n’avait jamais existé. Cette première édition est fortement empreinte de l’influence du jansénisme, doctrine théologique condamnée par Rome, qui croyait à la prédestination et qui exigeait de ses disciples une grande sainteté personnelle. 

Version électronique : Canadiana.ca 

1744

Histoire et description générale de la Nouvelle France

Avec le journal historique d’un voyage fait par ordre du Roi dans l’Amérique Septentrionnale [sic].
Paris : Chez Rolin Fils, Libraire, 1744.

Le jésuite, Pierre-François-Xavier de Charlevoix, publie les trois tomes d’Histoire et description générale de la Nouvelle-France en France en 1744. Fruit de 20 ans de travail, ces tomes de Charlevoix sont parmi les premiers recueils de l’histoire de l’Amérique septentrionale. Cette immense et imposante collection de l’histoire de la Nouvelle-France (Terre-Neuve, Acadie, Louisiane) du XVe au XVIIIe siècle est devenue un ouvrage de référence important pour les premiers historiens québécois qui ont étudié l’histoire coloniale française. 

Version en ligne : Canadiana.ca 

1761

Mémoire historique sur la négociation de la France et de l’Angleterre

Depuis le 26 mars 1761 jusqu’au 20 septembre de la même année, avec les pièces justificatives.
Paris : Imprimerie royale, 1761.

Étienne-François de Choiseul a été principal ministre d’État français et occupait le rôle de secrétaire d’État au moment de la rédaction de ce mémoire. Stratégique et opportuniste, il se sert de la négociation franco-britannique pour séparer la Grande-Bretagne de la Prusse et en profite pour signer un traité de paix avec les Britanniques, soit le Traité de Paris.

Écrit à la demande du roi Louis XV afin de faire connaître à ses sujets les efforts et les sacrifices qui ont parsemé sa quête de restauration de la paix dans le royaume, ce récit est très peu objectif et est teinté d’animosité. Il relate les évènements et présente des déclarations et des lettres officielles au cœur des conflits et des négociations avec la Grande-Bretagne.

Version en ligne : BnF Gallica

1763

Proclamation royale

La Proclamation royale de 1763 fait suite à la guerre de Sept Ans et à la signature du Traité de Paris qui fait du Canada une colonie britannique. La Proclamation royale organise politiquement les nouveaux territoires britanniques. Le droit pénal et le droit civil anglais remplacent, en principe, le droit français au Canada. Cette proclamation, issue d’une politique d’assimilation, a toutefois été infructueuse et, en ce qui concerne le Québec, sera largement remplacée par l’Acte de Québec de 1774.

1772

A collection of several commissions and other public instruments

Proceedings from his Majesty’s Royal Authority, and other papers, relating to the state of the Province of Quebec in North America, since the conquest of it by the British Arms in 1760.
London : Printed by W. and J. Richardson, 1772.

Cet ouvrage est une compilation de commissions, de mandats, de papiers officiels et d’autres documents légaux qui établissent les bases de la gouvernance de la Province de Québec, depuis sa conquête par l’armée britannique en 1759-1760. Les documents ont été rassemblés dans le cadre de débats en Angleterre sur la meilleure façon de gérer le territoire conquis.

La compilation a été entreprise par Francis Maseres, avocat, mathématicien, historien britannique et procureur général de la Province de Québec de 1766 à 1769. Pendant sa carrière, Maseres est, entre autres, chargé de rédiger un rapport sur le système judiciaire de la province de Québec et d’étudier l’idée de restaurer le droit civil français.

1773

Mémoire à la défense d’un plan d’acte de parlement pour l’établissement des loix de la Province de Québec

Contre les objections de Mr François Cugnet.
Londres : Imprimé chez Edmund Allen, 1773.

Francis Maseres a rédigé ce texte en réponse à l’avocat canadien François-Joseph Cugnet. Cugnet s’opposait fortement à plusieurs aspects du projet proposé par Maseres dans Draught of an act of parliament for settling the laws of the province of Quebec, publié en 1772.

Dans ledit projet, Maseres suggérait notamment l’adoption, dans la province, d’un code civil basé en partie sur une publication connue sous le nom Extrait des messieurs. Cette publication est une compilation de plusieurs spécialistes du droit canadien, dont François-Joseph Cugnet, Joseph-André-Mathurin Jacrau et Colomban-Sébastien Pressart. Maseres envisageait toutefois la possibilité d’introduire certaines parties du droit anglais, principalement celles concernant les lois de succession.

Dans ce mémoire, Maseres expose et réfute les arguments de Cugnet un à un. 

1774

Acte de Québec

Comment l’Acte de Québec a-t-il affecté la pratique de la justice dans la colonie?
– Donald Fyson

L’Acte de Québec obtient la sanction royale le 22 juin 1774 et entre en vigueur le 1er mai 1775. Cet Acte remplace plusieurs des dispositions de la Proclamation royale de 1763. Le droit criminel anglais est conservé, mais le droit civil français est rétabli. De plus, l’Acte permet aux Canadiens catholiques d’occuper tous les postes dans la fonction publique. Cela comprend les postes qui leurs étaient exclus entre 1763 et 1775.

1775

Account of the proceedings of the British, and other Protestant inhabitants of the Province of Quebeck in North-America

In order to obtain an House of Assembly in that Province.
London : Sold by B. White, at Horace’s Head, Fleet-Street, 1775.

Publié par l’avocat et porte-parole des marchands britanniques Francis Maseres, l’ouvrage fait état des démarches effectuées par des marchands britanniques et protestants de la Province de Québec désirant voir naître une Chambre d’Assemblée dans la colonie.

À la suite de l’adoption de l’Acte de Québec en 1774, lequel renie la promesse faite en 1763 de mettre sur pied une législature coloniale élue, les marchands britanniques sont mécontents et signent des pétitions pour modifier, voire abroger la loi. Ils s’inquiètent également de plusieurs autres changements qui découleraient selon eux de l’Acte, notamment la suppression de l’habeas corpus (pour prévenir les emprisonnements arbitraires) et l’abolition du jury en matières civiles. En 1776, Maseres publiera une suite à cet ouvrage intitulée Additional papers concerning the Province of Quebeck.

Version en ligne : Canadiana.ca

1775

François-Joseph Cugnet rédige quatre traités de droit canadien

Les deux exemplaires des œuvres de Cugnet sont des incunables canadiens, soit des premiers tirages imprimés au Québec entre 1764 et 1820.

En 1772, François-Joseph Cugnet s’oppose vivement à la proposition de l’adoption du Code civil Extrait des messieurs, proposé par Francis Maseres. Il est en grand désaccord avec les changements proposés dans les lois de succession et il invoque les principes de justice naturelle pour justifier le mode de partage des terres en vertu du système seigneurial. Maseres réfutera ces arguments point par point dans Mémoire à la défense d’un plan d’acte de parlement pour l’établissement des loix de la province de Québec […]

Rédigés par l’avocat canadien François-Joseph Cugnet, ces quatre traités de droit canadien, reliés en deux volumes, abordent le droit d’un point de vue plus pratique que théorique. Bien qu’il s’agisse d’un brillant rassemblement de connaissances juridiques et d’expériences diverses d’un homme intelligent, on reproche à l’auteur d’avoir bâclé son travail et d’être resté en surface.

Un exemplaire de la collection de Montréal contient les trois traités suivants :

Traité de la Loi des Fiefs, qui a toujours été suivie en Canada depuis son établissement, tirée de celle contenue en la Coûtume de la Prevôté et Vicomté de Paris, à laquelle les Fiefs et les Seigneuries de cette Province sont assujettis, en vertu de leurs titres primitifs de Concession […]. Quebec: Chez Guillaume Brown, 1775.

Version en ligne : Canadiana.ca

Traité abrégé des ancienes Loix, Coutumes et usages de la Colonie du Canada, aujourd’hui Province de Québec, tiré de la coutume de la prevôté et vicomté de Paris, à laquelle la dite Colonie était assujétie, en conséquence de l’Édit de l’établissement du Conseil Souverain du mois d’avril 1663 […]. Quebec: Chez Guillaume Brown, 1775. 

Version en ligne : Canadiana.ca

Traité de la police qui a toujours été suivie en Canada, aujourd’hui Province de Québec, depuis son établissement jusqu’à la conquête, tiré des diférens réglements, jugemens et ordonnances d’Intendans, à qui par leurs commissions, cette partie du gouvernement était totalement attribué […]. Quebec: Chez Guillaume Brown, 1775.

Version en ligne : Canadiana.ca

L’autre exemplaire ne comprend qu’un des quatre traités, soit, Extraits des édits, déclarations, ordonnances et règlemens, de sa Majesté très chrétienne. Des règlemens et jugemens des gouverneurs generaux et intendans concernans la justice; et des reglemens et ordonnances de police rendues par les intendans, faisans partie de la legislature en force en la colonie du Canada, aujourd’hui Province de Québec. Tirés des regîtres du Conseil superieur et de ceux d’Intendance. Quebec: Chez Guillaume Brown, 1775.

Version en ligne : BAnQ Numérique

1776

Additional papers concerning the Province of Quebeck

Being an appendix to the book entitled, “An account of the proceedings of the British and other Protestant inhabitants of the Province of Quebeck in North America, in order to obtain a House of Assembly in that Province.”
London : Sold by B. White, at Horace’s Head, Fleet-Street, 1775.

Cet ouvrage de l’avocat Francis Maseres fait suite à celui qu’il a publié en 1775, en soutien aux marchands britanniques, An account of the proceedings of the British, and other Protestant inhabitants, of the Province of Quebeck, in North-America, in order to obtain an house of assembly in that Province.

Dans ce supplément, Maseres présente des recommandations dans une perspective de réconciliation entre la Grande-Bretagne et ses colonies rebelles d’Amérique. Il propose notamment d’abroger l’Acte de Québec et de remplacer ce dernier par une nouvelle loi qui instaurerait le droit anglais dans la province, à l’exception de quelques cas précis. Cette loi établirait, si possible, une chambre d’Assemblée formée de protestants qui serait élue par les protestants et les catholiques.

Version en ligne : Canadiana.ca

1778

Office de la Semaine sainte, selon le Messel et Breviaire Romain

Avec l’explication des sacrés mystères représentés par les cérémonies de cet office. L’ordinaire de la messe, les sept pseaumes de la pénitence, les litanies des saints, & les prières pour la confession & communion, tirées de l’Ecriture sainte.
Montréal : Fleury Mesplet & Charles Berger, Imprimeurs et Libraires, 1778.

La Semaine sainte, pour les catholiques, ou la Grande Semaine, pour les chrétiens orthodoxes, est la semaine qui précède Pâques et qui met fin au carême. Divers offices consacrés à la commémoration de la mort et de la résurrection du Christ la constituent. Elle débute avec le dimanche des Rameaux et est ponctuée de messes, de sermons, de prières et de coups de matines.

Fleury Mesplet, fondateur de la Gazette de Montréal, a publié cet ouvrage à partir d’une édition française. Il est destiné à l’usage du prêtre responsable de donner les consécrations religieuses de la Semaine sainte. Les indications sont écrites en français, mais les discours sont en latin.

Version en ligne : Canadiana.ca

1784

Appel à la justice de l’État

ou Recueil de lettres, au roi, au prince de Galles, et aux ministres ; avec une lettre à messieurs les Canadiens, où sont fidèlement exposés les actes horribles de la violence arbitraire qui a régné dans la Colonie, durant les derniers troubles, & les vrais sentiments du Canada sur le Bill de Québec, & sur la forme de gouvernement la plus propre à y faire renaître la paix & le bonheur public : une lettre au général Haldimand lui-même. Enfin une dernière lettre à Milord Sidney ; où on lit un précis des nouvelles du 4 & 10 de mai dernier, sur ce qui s’est passé en avril dans le Conseil Législatif de Québec, avec les protêts de six conseillers, le lieutenant gouverneur Henri Hamilton à leur tête, contre la nouvelle inquisition d’État établie par le gouverneur & son parti.
Imprimé à Londres, 1784.

L’exemplaire de la collection du CAIJ est issu du premier tirage imprimé à Londres. Sur une page de garde, il porte la signature de Jacques Viger, le premier maire de Montréal, et, sur le contreplat avant, celle d’une relation, Louis-Joseph Papineau.

Pierre Du Calvet est né à Caussade en France, en 1735. Marchand, il s’embarque pour Québec en 1758. De 1758 à 1759, Louis XV lui donne la charge de pourvoir aux besoins de réfugiés acadiens à la suite de la déportation de 1755. En 1760, Du Calvet retourne en Acadie afin de rendre compte de l’état de cette région ravagée par la guerre et d’en relever le nombre de réfugiés acadiens pour les transporter à Québec, puisque ceux-ci, n’étant pas prêts à accepter la capitulation, menacent d’intercepter les navires britanniques dans le golfe du Saint-Laurent.  

Nommé juge de paix en 1766 par le gouverneur James Murray, il occupera ce poste à Montréal jusqu’en 1775. Il est l’un des magistrats les plus actifs de la ville. Plus tard, Du Calvet utilisera ses démêlés avec la justice pour critiquer publiquement le travail et les comportements des juges tout en dénonçant la façon dont ils administrent la justice. À la fois dérangeant et vengeur, il est soupçonné puis accusé de complicité avec les rebelles de l’armée américaine lors de l’invasion américaine de 1775-1776. Tout juste acquitté, il sera finalement accusé de trahison. Sous les ordres du gouverneur Haldimand, Du Calvet est emprisonné du 27 septembre 1780 jusqu’en 1783. Il meurt en mer lors d’un voyage des États-Unis vers Londres en 1786.  

À Londres, en 1784, Appel à la justice de l’État est publié tel un cri du cœur par Du Calvet. Dans ce recueil de lettres bouillantes et accusatrices, il expose les actes de violence politique commis dans la colonie de la Province de Québec et pointe du doigt les abus de pouvoir dans l’administration coloniale. Dans la longue lettre qu’il adresse à « Messieurs les Canadiens », il critique grandement l’Acte de Québec, qu’il compare à l’introduction « dans la Province [d’] une masquerade de jurisprudence française », et le fait qu’aucune incorporation des Canadiens à la Nation britannique n’a eu lieu dans la décennie suivant l’entrée en vigueur de l’Acte (Du Calvet, p.279-280). 

Désireux de rendre aux Canadiens leurs droits et privilèges de sujets britanniques, Du Calvet propose une multitude de réformes constitutionnelles et judiciaires. Il réclame notamment la réinstauration de la loi de l’Habeas corpus et du jugement par un jury, ainsi qu’une restriction des pouvoirs du gouverneur, tout en défendant la conservation des lois civiles d’origine française. Il tente également de faire valoir les avantages d’une assemblée législative élue qui permettrait à la colonie de contrôler les dépenses publiques.

Dans Appel à la justice de l’État, Pierre Du Calvet manifeste une hâte de liberté qui fait partie d’un mouvement pour une réforme de la constitution de la province et, par ricochet, de l’administration de la justice au Québec. L’ouvrage aidera à polariser les courants d’opinion et deviendra une source d’inspiration pour les réformistes. Celui-ci sera également lu par plusieurs politiciens et colons britanniques, ce qui contribuera à les sensibiliser à l’urgence d’une réforme constitutionnelle.   

Version en ligne : Canadiana.ca

1787

The Judges of the Common Pleas on Trial: Their argument in defence

– Mr. Judge Mabane, Mr. judge Dunn, Mr. Judge Panet

À la suite de la proclamation royale de 1763 et de l’instauration du gouvernement civil dans la nouvelle colonie britannique du Québec, une des premières tâches de l’administration est d’établir un système de tribunaux. La colonie est divisée en deux districts judiciaires, Québec et Montréal, et l’on établit entre autres une Cour des plaidoyers communs dans chaque district, laquelle est responsable de la plupart des litiges civils. L’Acte de Québec abolit ce système dès 1775. Après un interrègne qui accompagne l’invasion américaine, une ordonnance de 1777 rétablit le système, et la Cour des plaidoyers communs devient le principal tribunal de compétence civile de la colonie. Dans le réaménagement du système judiciaire de 1794, la Cour est abolie et ses compétences (ainsi que ses juges) sont transférées à la Cour du banc du roi.

En 1787, les juges de la Cour des plaidoyers communs du district de Québec sont Adam Mabane, Thomas Dunn et Pierre-Méru Panet. 

Adam Mabane, d’origine écossaise, est né en 1734. Ayant une formation de chirurgien, il sera rattaché à la garnison de Québec dès 1760. D’abord aide-chirurgien, il devient chirurgien en titre de 1763 à 1783, tout en maintenant une pratique privée. Bilingue, il s’attire la sympathie de la population canadienne francophone en leur offrant des services médicaux, parfois gratuitement. En 1764, le gouverneur Murray le nomme à son conseil et un mois plus tard, comme l’un des trois juges de la Cour des plaidoyers communs du district de Québec. Il n’a pourtant aucune formation juridique. Pierre Du Calvet ne manque pas de lui dédier plusieurs textes très critiques dans Appel à la justice de l’État.  

En 1766, Mabane, partisan de la politique conciliatrice de Murray, est exclu du conseil par le nouveau gouverneur, Guy Carleton, mais demeure juge. En 1775, Carleton, maintenant convaincu de la loyauté de Mabane, s’assure qu’il soit nommé au nouveau conseil législatif établi par l’Acte de Québec. Mabane devient l’un des chefs du « French Party », qui défend entre autres le recours au droit civil d’inspiration française. Juge intérimaire pendant l’interrègne de 1775-1777, il sera de nouveau nommé juge de la Cour des plaidoyers communs en 1777. Il gardera ce poste jusqu’à son décès, lequel survient à sa résidence de Sillery, proche de Québec, le 3 janvier 1792. 

Thomas Dunnest né en Angleterre en 1729. Il s’installe à Québec peu après la conquête pour pratiquer le commerce des fourrures et du poisson. Dunn est nommé au premier conseil formé par le gouverneur Murray en 1764, où il fera la connaissance de son futur collègue, Adam Mabane. Il reste membre des différents conseils législatifs et exécutifs de la colonie jusqu’à son décès. Marié à une Canadienne et également seigneur, il est, comme Mabane, partisan du maintien du droit civil canadien. En 1770, malgré une absence de formation juridique, il est nommé juge de Cour des plaidoyers communs. Il occupe la fonction de juge jusqu’à son décès, d’abord à la Cour des plaidoyers communs et ensuite, à partir de 1794, à la Cour du banc du roi. Il profite également d’autres postes lucratifs, dont la charge de receveur général de la colonie entre 1770 et 1777. Comme doyen du Conseil exécutif, il agira à deux reprises comme chef de l’exécutif, lors de l’absence de gouverneurs en 1805-1807 et encore en 1811. Dunn meurt à Québec le 15 avril 1818. 

Pierre-Méru Panet est né en 1731, à Paris.  Il arrive à Québec en 1746 pour rejoindre son frère, Jean-Claude Panet. Dès son arrivée, il s’initie à la profession de notaire, agissant comme clerc pour son frère. Il reçoit une commission de notaire en 1754 et agit aussi comme procureur et comme greffier du tribunal royal de Montréal entre 1755 et 1758. En 1760, suivant la capitulation de Montréal, sa commission de notaire est renouvelée et il devient aussi greffier de la cour des capitaines de milice du district de Montréal, tribunal actif jusqu’à la fin du régime militaire en 1764.  Dès 1765, il est nommé greffier de la Cour des plaidoyers communs et obtient aussi le droit officiel d’y plaider. Il reste greffier jusqu’en 1768, quand il reçoit une commission d’avocat et se concentre sur sa pratique privée. 

Panet convoite tout de même un rôle à la magistrature. Il est nommé juge de la Cour des plaidoyers communs du district de Québec en 1778, en remplacement de son frère, Jean-Claude, décédé quelques mois plus tôt. Il démissionne de son poste de juge en 1791 et retourne à la pratique privée. Le gouverneur, Lord Dorchester, essayera de convaincre Panet de continuer son travail à la magistrature sans succès.  Panet demeure actif dans la vie politique du Québec après sa démission et sera membre du conseil exécutif de 1792 jusqu’à son décès en 1804. Il maintiendra sa loyauté envers le Régime britannique tout au long de sa vie. 

Issu d’un don au Barreau du Québec lors du 20e siècle et conservé par le CAIJ, ce manuscrit des juges Mabane, Dunn et Panet du district de Québec vient enrichir les divers fonds de la Cour des plaidoyers communs.   

Ces manuscrits font partie de la documentation produite lors d’une enquête demandée en 1787 par le Conseil législatif concernant les pratiques des juges de la Cour des plaidoyers communs. Les manuscrits représentent la réplique des trois juges à des accusations portées contre eux par le procureur général, James Monk. La masse de preuve est divisée en cinq catégories, soit « Delays », « Want of Rules », « the Matter of Costs », « The Granting writs of saisie » et « Inconsistency and uncertainty in the Judgments of the Courts ». 

Le CAIJ a numérisé ce recueil et le manuscrit est maintenant accessible en ligne.

1789

Le juge à paix et officier de paroisse pour la Province de Québec

Extrait de Richard Burn, chancellier du diocèse de Charlisle, & un des juges à paix de Sa Majesté, pour les comtés de Westmorland & Cumberland. Traduit par Jos. F Perreault.
Montréal : Fleury Mesplet, Imprimeur, 1789.

L’exemplaire du CAIJ porte les signatures de Jacques Viger, premier maire de Montréal, et du notaire Gédéon-Mélasippe Prévost, de Terrebonne. L’un des deux pourrait avoir ajouté les annotations manuscrites dans cet exemplaire qui reflètent les corrections à apporter au texte selon la section «Errata» à la fin du volume.

Le volume est la traduction française, par Joseph-François Perreault, d’une partie du célèbre traité de justice criminelle et de droit anglais de Richard Burn, publié d’abord en 1764 et ensuite réédité à maintes reprises. Perrault cherche à rendre l’ouvrage accessible aux lecteurs canadiens qui ne maîtrisent pas la langue anglaise. Il espère ainsi les aider à comprendre les lois criminelles anglaises qui sont en vigueur dans la colonie depuis 1764. Publié à l’aide d’une souscription, l’ouvrage ne semble pas avoir été profitable et Perrault abandonne le projet après un seul volume. Ce sont plutôt les éditions anglaises qui circulent dans la colonie, autant parmi les magistrats que les juges canadiens et britanniques.   

Version en ligne : Canadiana.ca

1789

State of the present form of government of the Province of Quebec with a large appendix

Containing extracts from the minutes of an investigation into the past administration of justice in that Province, instituted by order of lord Dorchester, in 1787 and from other original papers.
London : printed for J. Debrett, opposite Burlington-House, Piccadilly, 1789.

Le présent ouvrage fait état du régime « lamentable » établi par l’Acte de Québec dans la colonie et propose une réforme judiciaire et constitutionnelle, dont l’efficacité reposerait sur l’intégration des normes canadiennes aux normes britanniques.  

Publié en 1789 par James Monk, avec l’aide de l’avocat Francis Maseres, l’ouvrage est l’un des nombreux efforts que Monk a déployés pour réintégrer le poste de procureur général de la Province de Québec qu’il occupait depuis 1776 et qu’il perd en 1789 face à Alexander Gray. Monk reprend ses fonctions en 1792, après le décès de Gray. Il sera plus tard nommé juge en chef du district de Montréal.

Version en ligne : Canadiana.ca

1791

Acte constitutionnel

Le terrain politique et démographique de la colonie a changé depuis l’Acte de Québec. De nombreux loyalistes s’installent dans les Maritimes et dans l’ouest de la Province de Québec, région actuelle du sud de l’Ontario. Ces loyalistes d’origine surtout britannique ne veulent pas être gouvernés sous le droit civil français, mais désirent utiliser le Common Law. La colonie est divisée en deux : dans le Haut-Canada, majoritairement anglophone, la Common Law prévaut, tandis qu’au Bas-Canada, le droit civil français demeure.

1800

A Collection of the acts passed in the Parliament of Great Britain and of other public acts relative to Canada

Québec : Printed by P. E. Desbarats, 1800.

Cet ouvrage de 1800, publié à Québec, rassemble lois, traités et autres mesures législatives concernant la gouvernance britannique du Québec et du Bas-Canada. Outre les grandes lois constitutionnelles, on y retrouve les capitulations de Québec (1759) et de Montréal (1760), le Traité de paix entre la Grande-Bretagne et les États-Unis (1783), ainsi que des mesures locales comme les ordonnances promulguées par le gouverneur et son conseil législatif entre 1777 et 1792 ou encore la proclamation de 1792. Cette dernière divise le Bas-Canada en « comtés » (circonscriptions) aux fins des élections pour le premier Parlement provincial du Bas-Canada. 

Version électronique : Canadiana.ca 

1803

Lex Parliamentaria

ou Traité de la loi et coutume des parlements, montrant leur antiquité, noms, espèces et qualités des trois états, et de la dignité & excellence des parlements, leur pouvoir et autorité ; de l’election des membres de la Chambre des communes en général, leurs privileges, qualifications et devoirs ; des electeurs, leurs droits, devoirs et le mode d’élections ; des retours en parlements, le devoir des shériffs et autres officiers à cet égard ; de la maniere d’élire l’orateur, sa charge et son devoir ; de la maniere de passer les bills, et les regles à observer dans la Chambre des communes ; des sessions du parlement, de sa prorogation et des ajournements, ensemble des propres loix et coutumes des parlements : avec le rapport d’un cas en Parlement entre Sir Francis Goodwyn et Sir John Fortescue, chevaliers du Comté de Bucks, 1. Jac. I, Seconde éd., avec des augmentations considerables.
Traduit par Jos. F. Perreault. Seconde édition, avec des augmentations considérables. Imprimé à Québec : par P. E. Desbarats, Imprimeur des Loix de la très Excellente Majesté du Roi, 1803.

Lex Parlementaria est un recueil de droit parlementaire publié à Londres en 1690. En 1803, Joseph-François Perreault effectue la traduction en français. Rédigé au lendemain de la Glorieuse Révolution de 1688 et de l’adoption de la Déclaration des droits (Bill of Rights) de 1689, il dresse le portrait des changements politiques survenus dans la première moitié du XVIIe siècle. L’ouvrage promeut l’autonomie et l’indépendance du Parlement. Ce dernier est le seul juge de ses droits et privilèges, et a le devoir de faire contrepoids face à l’arbitraire du pouvoir royal. Cette publication délimite également le partage des pouvoirs entre le Roi, la Chambre des lords et les Communes.

Si le véritable auteur de l’ouvrage reste inconnu, son traducteur, pour sa part, a marqué l’histoire de plusieurs sphères sociales et politiques. Joseph-François Perreault est un homme aux multiples vocations très en avance sur son temps, qui prône notamment l’instruction obligatoire et gratuite. De commerçant à professeur, en passant par greffier de la paix et gardien des archives publiques, il enchaîne les succès dans tous les milieux. Il est reconnu pour la tenue de ses écoles et la qualité de son enseignement.

Version en ligne : Canadiana.ca

1807-1838

Collection des manuscrits du Juge James Reid

— Court of King’s Bench – Criminal Cases – Civil and Criminal Pleas, Cour d’Oyer et Terminer – Rébellion – Digest and notes

Quelle est l’importance de la collection du juge Reid?
– Donald Fyson

What is the importance of the Reid notebooks collection?
– Donald Fyson

Le juge en chef de la Cour du banc du roi de 1825 à 1838, l’honorable James Reid laisse une trace indélébile dans les annales juridiques de la province de Québec. Selon certains, il aurait été l’un des juges le plus respectés du public à cette époque :

« Nul juge n’a possédé la confiance publique et le respect de ses concitoyens à un plus haut degré durant toute sa carrière judiciaire. Sa vie entière fut un exemple que les membres de la profession légale devraient se faire un devoir d’imiter, mais qu’aucun ne peut espérer dépasser. »
– Montreal Herald, 20 janvier 1848. 

James Reid  

Qui est le juge Reid?
– Donald Fyson

Who was Justice Reid?
– Donald Fyson

James Reid est né en Écosse en 1769. C’est toutefois à Montréal vers 1788 que Reid fait l’étude du droit sous la tutelle de son oncle, John Reid, jusqu’en mai 1794.

Le 7 mai 1807, Reid est nommé juge de la Cour du banc du roi pour le district de Montréal. En alternance avec les juges du district de Québec, les juges de Montréal siègent également à Trois-Rivières pour les causes criminelles. En 1823, Reid décline la nomination de conseiller au Conseil législatif offert par le gouverneur Lord Dalhousie.

En quoi consistait la Cour du banc du roi de l’époque?
– Donald Fyson

À la suite de la démission de Sir James Monk, Reid devient juge en chef de la Cour du banc du roi pour le district de Montréal, le 31 janvier 1825.

En 1828, féru du développement intellectuel et moral de la profession, le juge en chef Reid édicte la Proposition pour l’établissement d’une bibliothèque de droit. Sous son parrainage est fondée la Advocates’ Library (la Société de la Bibliothèque). En 1830, la bibliothèque juridique devient l’Advocates’ Library and Law Institute of Montreal qui, en 1853, deviendra la Bibliothèque du Barreau de Montréal.

Lord Durham nomme Reid membre au Conseil exécutif en 1838. Reid quitte toutefois le Conseil quelques mois plus tard au départ de Durham. En octobre 1838, souffrant de problèmes de vision, Reid prend sa retraite et quitte son poste de juge en chef.

À la retraite, Reid visite l’Europe. En Angleterre, il refuse un honneur offert par la Reine Victoria pour l’ensemble de son travail au banc et pour les bons services rendus à la couronne.

L’honorable James Reid meurt à Montréal, dans sa résidence de la rue Panet, le 19 janvier 1848 à l’âge de 79 ans.

Me Maréchal-Nantel, bibliothécaire du Barreau de Montréal de 1922 à 1952, s’exprime en ces mots pour décrire les qualités et le travail rendus par Reid :

« Le juge Reid était très méthodique. De 1807 à 1838, il compila minutieusement toutes les questions de droit qu’il fut appelé à décider et rédigea des notes remarquables de ses opinions et de ses jugements. Cette compilation forme plus de 25 volumes conservés à la bibliothèque du Barreau de Montréal » (R du B 1945, 5:5, 202).

Après la retraite du juge Reid en 1838, ses notes sont d’abord restées dans sa maison luxueuse du faubourg Québec, au sud-est du Vieux-Montréal, comme partie de son impressionnante bibliothèque privée. Une quarantaine d’années plus tard, au début des années 1880, un de ses héritiers met en vente sa bibliothèque, y compris les notes. C’est à ce moment que la bibliothèque du Barreau de Montréal, ancêtre du CAIJ Montréal, fait l’acquisition des manuscrits. Plus récemment, Bibliothèque et Archives Canada a produit une copie sur microfilm des carnets.

En 2021, le CAIJ a procédé à la numérisation des carnets du juge Reid en sa possession afin d’assurer une conservation numérique de grande qualité et, surtout, de rendre ces manuscrits accessibles à distance à tous.

Version en ligne : CAIJ

Les notes du juge Reid – le point de vue d’un historien
Donald Fyson, Université Laval

Que révèle la collection du Juge Reid détenu par le CAIJ sur l’administration de la justice au 19e siècle?
– Donald Fyson

En quoi les carnets du juge Reid sont révélateurs de la société de l’époque?
– Donald Fyson

What do the Reid notebooks tell us about the administration of justice in early 19th-century Quebec? What do they tell us about colonial society more generally?
– Donald Fyson

Les carnets du juge Reid contiennent ses notes personnelles sur les procès qui se sont déroulés devant lui entre 1808 et 1838, lors de séances de la Cour du banc du roi des districts de Montréal et de Trois-Rivières. Sur la vingtaine de milliers de pages manuscrites soigneusement calligraphiées, environ les deux tiers concernent des causes civiles, et l’autre tiers portent sur des causes criminelles. De brefs résumés d’arguments avancés par les avocats des partis, souvent avec les autorités qu’ils citent, constituent principalement les notes des causes civiles. On y trouve aussi des décisions de la Cour sur des motions de procédure, des jugements interlocutoires et des témoignages. Quant aux causes criminelles, les notes résument surtout les témoignages entendus lors de procès, de même que des verdicts et des sentences. Parfois, aussi, elles résument les arguments des avocats sur des questions de procédure. Plus rarement, des textes forts intéressants, comme des adresses du juge Reid aux membres du grand jury (où l’on voit se déployer toute sa conception morale de la criminalité), ou encore, certains de ses discours lors de la prononciation de sentences de mort s’y retrouvent. Il y a également un dictionnaire de termes juridiques et un recueil de commentaires de Reid sur des causes qui soulèvent des questions importantes de droit, tous deux pour son usage personnel.

Ces notes revêtent une importance capitale pour l’histoire, fournissant des détails allant au-delà de ce qui est inclus dans les archives judiciaires officielles. Certes, les greffiers conservent une trace écrite des étapes formelles des procès : du côté criminel, par exemple, la plainte initiale, la mise en accusation, le plaidoyer, le verdict du jury et la sentence sont conservés sous forme écrite. De même, du côté civil, selon la procédure d’inspiration française, les dépositions des témoins sont généralement mises par écrit et conservées dans les archives officielles. Mais dans le système judiciaire du Bas-Canada, à l’époque du juge Reid, le détail des échanges oraux lors des procès est très peu documenté. Il y a une absence quasi complète de rapports juridiques qui résument les arguments des partis; aucune prise de notes sténographiques lors de témoignages oraux dans les causes criminelles et très peu de véritables comptes-rendus de procès dans les journaux à l’exception de certaines causes célèbres. C’est ce trou béant dans la mémoire du droit et de la justice que viennent combler les notes du juge Reid.

Pour l’historien du droit et de la justice, les notes du juge Reid sont une mine d’or, notamment en ce qui concerne la justice ordinaire. Du côté civil, par exemple, dans l’absence de collections substantielles de factums pour les causes qui n’ont pas été portées en appel, ces notes permettent de reconstituer les arguments juridiques déployés par les avocats. Elles font ressortir, entre autres, la mixité et le métissage du droit québécois de l’époque, avec son mélange de sources et de procédures d’inspirations française et anglaise. Elles soulignent également le bilinguisme des procédures et de plusieurs des avocats et juges. Du côté criminel, les témoignages nous permettent de constater la variété d’individus activement impliqués dans ces causes criminelles souvent importantes (meurtres, vols, émeutes, etc.) au-delà des victimes et des accusés : la parenté, les voisins, les passants, de même que les auxiliaires de justice plutôt méconnus (huissiers, connétables ou geôliers). On y trouve également des détails cruciaux sur l’opération quotidienne réelle de la justice à cette époque, comme la manière dont les crimes sont détectés, le rôle actif joué par des citoyens dans les plaintes et le déroulement des arrestations. On peut également y lire des instances de résistance envers la justice, avec, par exemple, des huissiers ou des connétables attaqués ou refoulés quand ils arrivent pour saisir des biens ou pour effectuer une arrestation. Enfin, les notes nous révèlent les stratégies employées par les avocats de la défense pour protéger leurs clients de ce qui pouvait être, dans un assez grand nombre de cas, une sentence de mort.

Les témoignages, en particulier dans les causes criminelles, sont une source très riche pour l’histoire sociale puisqu’ils offrent une fenêtre inédite sur la société de l’époque. On y retrouve les paroles de gens ordinaires, dont la voix est largement absente ailleurs dans les archives : des artisans, des ouvriers, des femmes, des personnes racisées et même parfois des enfants. Bien que les témoignages portent surtout sur les circonstances des causes particulières, on y voit aussi des scènes de rue, des lieux de travail, des magasins, des tavernes, des bordels et même l’intimité des ménages. On observe les gens se divertir, se chicaner, se battre, s’entraider. On est aussi témoin de diverses relations sociales de cette société coloniale très souvent inégalitaire sur les plans du genre, de la classe sociale et de la race. La politique est aussi présente, par exemple, dans les causes concernant la violence lors d’élections. Presque chaque cause fait l’objet de témoignages multiples et d’une variété de points de vue : ce qui est bien plus riche que les simples plaintes, souvent très orientées et préservées dans les archives officielles.

Qu’est-ce que la collection du CAIJ nous démontre par rapport au niveau des connaissances juridiques de la magistrature de l’époque?
– Donald Fyson

Les notes du juge Reid font état d’un jugement rendu en février 1812 dans la cause du Roi contre Pierre Talon dit Lespérance. Il s’agit d’une affaire à première vue assez ordinaire, concernant une prise de possession par Talon d’un terrain appartenant à la Couronne. La Couronne était représentée par le solliciteur général, Stephen Sewell, tandis que les défendeurs avaient retenu les services d’un avocat bien en vue, le futur juge en chef James Stuart. Les manuscrits du juge Reid font ressortir un incident survenu dès le début de ce procès. Les défendeurs avaient demandé que l’action soit déboutée puisque le bref d’assignation était rédigé en français. Selon eux, le bref devait plutôt être en anglais, la langue du Souverain. La cour rejette la motion. Les juges, dont Reid, déclarent que la langue française a toujours été utilisée par le souverain dans ses communications avec ses sujets, autant au nom du législatif que de l’exécutif. Plus encore, il s’agit d’un moyen tout à fait légal de communiquer avec les sujets canadiens. La cour fait donc appel à une pratique bilingue de longue date au sein des tribunaux de la colonie.

Pendant les années 1930, le bibliothécaire du Barreau de Montréal, Maréchal Nantel, redécouvre cette cause en parcourant les notes du juge Reid, alors sous sa garde. Nantel qualifie ce jugement comme étant une « pièce capitale… [qui] n’eut pas la publicité qu’une décision de cette importance aurait eue aujourd’hui. L’absence de journaux et de recueils de jurisprudence le relégua au domaine de l’oubli, et sans les notes du juge Reid il y serait resté pour n’en jamais sortir. Cinquante ans à peine après la conquête, il reconnaît un fait historique qui confère à la langue française au Canada un titre juridique inattaquable. » Nantel exagère peut-être, mais l’intérêt du jugement reste indéniable, tout comme l’utilité capitale des carnets du juge Reid.

Les notes du juge Reid et la langue française

Le jugement du Roi contre Pierre Talon dit Lespérance dans les carnets du juge Reid.

La production de notes de juges est une pratique assez courante non seulement au Bas-Canada, mais également en Angleterre et ailleurs dans les sociétés influencées par la common law. Étant toutefois des notes personnelles, peu ont survécu à l’usure du temps. En ce qui concerne le Bas-Canada, les notes du juge Reid constituent l’une des deux seules collections substantielles encore disponibles, et elle est de loin la plus importante. Les carnets du juge Reid sont connus depuis le milieu du XIXe siècle par quelques juristes, qui y ont accès même avant leur acquisition par la bibliothèque du Barreau. Ainsi, les juges en chef Louis-Hyppolite Lafontaine et Antoine-Aimée Dorion les citent de temps à autre. Jusqu’à récemment, toutefois, les notes du juge Reid restent relativement sous-utilisées par celles et ceux qui se penchent sur l’histoire du Bas-Canada. Souhaitons que la diffusion de cette version numérique puisse encourager leur consultation!

1812

Procès des rébellions à Pointe-Claire et Lachine

Août et septembre 1812 : notes du juge Reid.

Est-ce qu’il y a des faits saillants de certaines causes qui ressortent des écrits de Reid de la collection du CAIJ?
– Donald Fyson

En 1812, les Américains prennent les armes contre la Grande-Bretagne dans un conflit qui restera dans les annales sous le nom de Guerre de 1812. En tant que colonie britannique, le Bas-Canada est entrainé malgré lui dans l’affrontement. Les autorités décident donc de mobiliser une partie de la milice. Environ 2000 hommes célibataires entre 18 et 30 se voient dans l’obligation de s’enrôler.  

Chez les Canadiens, la loyauté envers la Couronne britannique est très variable. Des rumeurs circulent aussi concernant de mauvaises conditions de vie dans les casernes. Bien que la plupart des conscrits se manifestent, dans certaines paroisses les absences sont nombreuses. À Lachine, plusieurs hommes désertent le territoire et certains sont emprisonnés. Des centaines d’hommes s’opposant à la conscription se munissent d’armes et déclenchent une émeute. Ils marchent vers le camp militaire pour libérer les prisonniers et les conscrits.

Il faudra attendre l’arrivée du magistrat Thomas McCord pour que les autorités maîtrisent les insurgés. Après un échange de coups de feu avec des soldats britanniques arrivés en renfort, un émeutier est tué et un autre est blessé. Les autres s’enfuient. On procède à l’arrestation de 37 hommes. Quatorze d’entre eux seront condamnés par la Cour du banc du Roi à des peines d’emprisonnement variant entre 16 et 24 mois en plus de lourdes amendes.

Le présent recueil, tiré des documents du Juge James Reid, témoigne du procès des rebelles qui ont comparu devant lui à la Cour du banc du Roi.

Version en ligne : CAIJ

1837-1838

Rébellions au Bas-Canada

Les Rébellions de 1837-1838 au Bas-Canada débutent en 1837 lorsque des rebelles patriotes prennent les armes contre l’administration coloniale. Il s’agit d’un mouvement de résistance qui se manifeste également dans le Haut-Canada.

Depuis les années 1820, les partisans du Parti patriote, majoritaire dans la Chambre d’Assemblée élue, remettent en question les pouvoirs du gouverneur britannique et de ses conseillers non élus. Ils revendiquent le droit de contrôler toutes les dépenses de la colonie. Ils formulent une liste de demandes, les 92 résolutions, que le gouvernement britannique rejette. Le soulèvement armé en est la conséquence. Malgré quelques victoires militaires et un large appui auprès de la population, les rébellions sont un échec. Des centaines de rebelles sont blessés ou tués, des centaines sont arrêtés et écroués, une centaine sont déportés en Australie et douze sont pendus. Certains patriotes s’exilent vers les États-Unis. Londres remplace la législature par un Conseil spécial non démocratique et dépêche John George Lambton, Lord Durham, au Canada pour rédiger un rapport relatif aux constats.

Malgré leur échec, les Rébellions déclenchent des réformes politiques majeures, incluant celles recommandées dans le Rapport Durham.

1839

Rapport Durham

ou Report of the Affairs of British North America from the Earl of Durham Her Majesty’s high Commissioner.
John George Durham, Earl of Lambton, 1839.

Quel est l’impact du rapport Durham sur l’administration de la justice au Québec?
– Donald Fyson

Cet exemplaire du Rapport Durham est signé par Theodore Hart, important homme d’affaires montréalais.

À la suite des Rébellions de 1837-1838, la Grande-Bretagne envoie John George Lambton, Lord Durham, à titre de Gouverneur général et de commissaire spécial, faire le constat de la situation au Canada et rédiger un rapport incluant ses recommandations.

Dans son célèbre Rapport sur les affaires de l’Amérique du Nord britannique, Durham propose de réunir le Haut-Canada et le Bas-Canada, entre autres afin d’accélérer l’assimilation des Canadiens français. Suivant cette recommandation, l’Acte d’Union sera adopté en 1840. Durham propose également d’instaurer un gouvernement responsable, où les membres du Conseil exécutif seraient approuvés par l’Assemblée législative plutôt que nommés par le gouverneur. Le gouvernement britannique refuse. Il faudra attendre 1849 pour que le projet soit accepté et mis en place.

Version en ligne : Canadiana.ca

1839

Recueil factice : époque des patriotes

Retrouvée au cœur des rayons de la bibliothèque du CAIJ Montréal par le libraire expert chargé de l’évaluation de la collection, cette petite plaquette reliée sans éditeur est composée de quatre textes à saveur nationaliste publiés dans Le canadien sur une période de plusieurs années. Un auteur inconnu les aurait assemblés et fait relier.

L’origine de la création de cet agrégat n’a pu être résolue. Les textes étant tous de nature nationaliste, il est fort probable que le créateur de ce recueil ait été un partisan du Parti patriote ayant une relation quelconque avec Le canadien, soit en tant qu’employé ou en tant que lecteur. Quoi qu’il en soit, ce recueil de pièces porte en lui l’espoir des patriotes, c’est-à-dire une administration de la justice adaptée à la réalité des Canadiens français. La description des quatre textes est présentée ci-dessous.

Le rapport de Lord Durham, Haut-commissaire de Sa Majesté, sur les affaires de l’Amérique Septentrionale Britannique
John George Lambton — mai 1839

Cette publication du célèbre et controversé rapport est l’une des premières en français. Elle a été diffusée par Le Canadien afin de faire découvrir son contenu au Bas-Canada. 

Version en ligne du rapport : BAnQ Numérique

92 résolutions
Chambre d’Assemblée, Louis-Joseph Papineau, Augustin-Norbert Morin, Elzéar Bédard — 21 février 1834

Louis-Joseph Papineau, chef du Parti patriote, rédige, aux côtés de ses collègues Elzéar Bédard et Augustin-Norbert Morin,92 résolutions qui rassemblent la majorité des revendications patriotes. On y fait valoir un ensemble de griefs et l’on exige des réformes libérales nécessaires entre autres pour la survie des Canadiens français. On revendique notamment la responsabilité ministérielle face à la Chambre d’Assemblée, l’élection des membres du Conseil législatif, le contrôle des budgets, ainsi que la protection de la langue et des droits des Canadiens. Elles sont adoptées à la Chambre d’Assemblée le 21 février 1834, puis envoyées au Parlement britannique et sont accompagnées d’une pétition signée par 78 000 personnes.

Londres refuse catégoriquement toutes les résolutions et riposte avec Les 10 résolutions de Lord John Russell, soumises à la Chambre d’Assemblée le 6 mars 1837. Par la suite, le gouvernement britannique retire à la Chambre d’Assemblée le pouvoir d’allocation des subsides et donne le pouvoir au gouverneur de prélever 142 160 livres sans le consentement de l’Assemblée législative. Le rejet des 92 résolutions mènera les patriotes à une suite de bouillantes contestations sans issues qui provoquera les Rébellions de 1837-1838 au Bas-Canada.

Face à l’évidente défaite imminente des patriotes durant les rébellions, Louis-Joseph Papineau – avocat, seigneur et homme politique qui dirige le Parti patriote de 1815 à 1838 – s’enfuit aux États-Unis, puis en France. Il reviendra en 1845 lorsqu’il sera amnistié.

Auguste-Norbert Morin fut l’un des plus importants acteurs du mouvement patriote. À la demande Papineau, il rédige les 92 résolutions. Rédacteur en chef, avocat, juge, puis homme politique, il participera notamment à la création du Code civil du Bas-Canada en 1866.

Bien qu’il ne participe pas, proprement dit, à la rédaction des résolutions, Elzéar Bédard est présent lors de leur élaboration, qui s’est déroulée chez lui. Membre du Parti patriote, il s’oppose toutefois au radicalisme du parti. Bédard reprend le flambeau du journal Le Canadien que son défunt père avait fondé et participe à la politique municipale.

Version en ligne : BAnQ Numérique

L’État de la Province
17 février 1834 — 18 février 1834 – Anonyme

Publié à la suite des 92 résolutions dans l’édition du lundi 17 février 1834, ce texte anonyme de 44 pages fait valoir une fois de plus l’état des griefs encourus contre le gouvernement colonial britannique dominé par les intérêts loyaux. Le texte est celui des débats parlementaires commentés. 

Version en ligne : BAnQ Numérique

Aux honorables chevaliers, citoyens et bourgeois, les communes du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne
Louis-Joseph Papineau — 1834

Rédigée par Louis-Joseph Papineau, parallèlement aux 92 résolutions, cette longue lettre passionnée présente le cœur des revendications des patriotes pour la réforme du régime politique de la colonie.

De sa plume habile et enflammée, Papineau relève les abus et les failles d’une justice qui prive les citoyens de la colonie, de toutes origines, d’une démocratie représentative, équitable et responsable.

Le Canadien publie la lettre le 17 mars 1834, au lendemain de l’adoption des 92 résolutions par la Chambre d’Assemblée. Elle est envoyée à Londres comme introduction à ces dernières.

Version en ligne : BAnQ Numérique

1841

Journal of the Special Council of the Province of Lower-Canada

Montreal : Printed by Andrew H. Armour and Hew Ramsay, printer to the Queen’s Most Excellent Majesty, for the district of Montreal, [1838-1841].

Le Conseil spécial est la législature non élue du Bas-Canada entre 1838 et 1841. Établi par le gouvernement britannique pour remplacer la législature précédente, dont la Chambre d’assemblée contrôlée par le Parti patriote, ce Conseil est une institution temporaire qui adopte néanmoins des réformes gouvernementales et législatives importantes. Certains historiens décrivent le Conseil comme étant « autoritaire », « tyrannique » et « répressif », mais tous reconnaissent son impact à long terme en ce qui concerne la pratique de la gouvernance de la colonie.

Cet ouvrage, en trois volumes, est le compte rendu des séances du Conseil spécial. Ce dernier adopte les mêmes procédures parlementaires que la Chambre d’assemblée, avec entre autres des projets de loi, des débats, des votes, etc. Par contre, ses membres ne sont pas élus et les journaux sont uniquement rédigés en anglais.

Version en ligne : Canadiana.ca

1841-1849

Rebellion losses in Canada 1837-38

En 1849, s’inspirant d’une loi du Haut-Canada, Louis-Hippolyte La Fontaine propose un projet de loi d’indemnisation des habitants du Bas-Canada ayant subi des pertes ou des dommages à leurs propriétés lors des rébellions de 1837 et 1838. Ce projet de loi d’indemnisation s’adresse équitablement à tous. D’une part, il voit en cette initiative un moyen symbolique de réparer les torts causés par les rébellions et de reconnaître les droits des Canadiens français. D’autre part, il veut freiner la popularité et l’influence de Louis-Joseph Papineau.

Le projet de loi est approuvé par la majorité du Parlement et ratifié par Lord Elgin, le 25 avril 1849. Par contre, les tories, un groupe majoritairement anglophone, s’opposent à cette loi. Le jour de la sanction, une manifestation instiguée par les tories a lieu à Montréal. Celle-ci s’envenime une fois la nuit tombée et la foule met le feu au Parlement. Le siège du gouvernement sera déplacé à Québec moins d’un mois après les émeutes, étant donné que Montréal est sujet aux tensions ethniques.

Cet ouvrage contient une copie du rapport des Commissaires du Bas-Canada pour les pertes subies durant les Rébellions. Il présente également les noms des personnes qui ont réclamé une compensation, ainsi que les montants revendiqués.

Version en ligne : Canadiana.ca

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Ressources complémentaires